Nouvelles érotiques au féminin, poésies saphiques, littérature lesbienne

Derrière la Porte (acte 2)

J’étais déjà venue ici, il y a longtemps, quelques mois, je ne sais plus très bien. Comme aujourd’hui, la porte, cette porte rouge, ce rouge qui vous va si bien, n’en était pas fermée et une simple poussée avait suffi pour l’écarter. Curieuse, sans doute, intriguée, peut-être, tremblante assurément, je m’étais avancée et avais pénétré sans un bruit dans votre chambre, là où pourtant vous n’étiez pas, là où vous n’êtes toujours pas. Je vous avais alors attendue au gré de minutes accolées les unes aux autres, égrenées en notes déjà musicales, sourdes et lancinantes, arabesques déclinant doucement vers la nuit. Je m’étais faite patiente jusqu’à ce que mon plaisir libère mon attente, là même dans votre lit, ce lit où vous n’étiez pas, où vous n’êtes toujours pas.

 

 

La première fois, j’avais franchi cette porte, cette porte rouge, ce rouge qui vous va si bien, sans y être invitée, étrangère à toute demande. Vous ne le saviez pas. Je voulais vous surprendre. J’ai poussé cette porte sans un mot, sans un bruit, mais pas sans regard. Vous n’étiez pas là mais peu m’importait. Je savais notre rendez-vous non pas manqué mais simplement retardé. Je ne m’en étais pas offusquée. J’en avais joui comme on se libère dans les bras d’une inconnue. Sans y croire, sans rien dire de peur d’affoler, yeux fermés pour mieux aspirer ce bonheur qui envahit les corps lorsqu’enfin, ils s’ouvrent l’un à l’autre.  J’avais alors effleurée votre vie de mes caresses, de mon souffle, de mon vertige. Sans rien toucher d’autre ou presque… j’étais repartie en vous laissant en seul témoignage de ma présence, le creux de mon corps au fond de votre lit.

 

Je suis déjà venue et je reviens aujourd’hui. Cette fois, c’est vous qui me l’avez demandé. Un mot bref glissé, une invitation que je n’attendais pas. Et si vous débouchiez une bouteille de vin ? Et si vous vous faisiez couler un bain ? Et si vous écoutiez un morceau que vous adorez par dessus tout ? Et si ne serait ce qu'une heure vous divorciez du quotidien ? Et si pour une heure, vous deviez être avec moi ? Votre écriture est fine et vive. Tentante et attirante. Une écriture de vie à prendre pour donner. Je n’ai pas réfléchi pour accepter. Je ne pensais pas refuser. Je suis venue. Je suis là.

 

J’ai passé la porte. La porte rouge. Ce rouge qui vous va si bien. Après ce couloir un peu sombre, aux lumières basses mais chaudes, j’ai reconnu l’endroit. Je n’ai jamais eu besoin de votre adresse. J’ai toujours su où vous trouver. C’est vrai, je tremble un peu. Sous des airs de grande sûreté, ma timidité se cache, me fâche, jamais ne me lâche, mais ici, se tait, vaincue, ma volonté en bannière, fière, les deux pieds bien campés, un sourire aux lèvres. J’oublie ma peur.

 

J’ai reçu votre invitation et je l’ai acceptée.

 

La première chose que je vois est la bouteille, posée devant moi, sur la table pleine du fouillis de vos objets personnels, intimes… une bague large à la pierre sertie, une brosse, un foulard qui, je le sais, porte l’empreinte de votre parfum et de vos cheveux, un carnet noir que je n’oserai jamais ouvrir, outrage des indiscrétions, car si je veux vous surprendre, je ne veux pas vous voler ces mots que vous n’écrivez que pour vous, ces mots de votre souffrance, votre vraie souffrance. Écrit-on jamais son bonheur ?

 

Je verse le vin dans un verre si fin qu’il me semble que je pourrais le briser, juste de le porter à mes lèvres. Mes gestes se doivent d’être calmes, sans précipitation. Je bois une gorgée et mon palais s’envahit d’une douceur âcre qui devient de fruits rouge, de fruits mûrs, à peine boisée, suavité tendre et longue. Cette gorgée me ravit, me détend, m’apaise, me soutient.

 

C’est là que j’entends la musique, votre musique, celle qui toujours vous entoure, toujours vous accompagne, fidèle, profonde, grave et désespérée. Elle enfle et gonfle, en sourdine puis plus forte, et soudain repart, comme un désir qui s’installe, fragile, semble vouloir s’amplifier, disparaît et renaît, puissant à vous courber les reins. J’entends la musique, votre musique et celle de mon corps y répond, en balancements subtils, en frissonnements nerveux. Je repose le verre car ma main tremble, encore, trop. Une pudeur inconnue m’empêche de la glisser sur ma peau, à cet endroit chaud où mon désir s’avive.

 

J’ai reçu votre invitation et je l’ai acceptée. Cette fois, je vous attend, vous et nulle autre. Et je sais qu’après ce vin, il me faudra pousser cette autre porte, celle qui, au fond de votre chambre, m’appelle, comme des bras tendus, comme des lèvres tournées vers soi, comme un murmure qui enclin à se pencher pour mieux l’entendre.

 

Je n’attends pas plus car je sais mon désir impatient, à la dureté de mes seins, à ce souffle qui s’accélère, à cette sensation humide qui irradie entre mes cuisses. Il me faut pousser cette autre porte, et tant pis si elle n’est pas rouge, de cette couleur qui est la vôtre, car elle me mènera à vous malgré son apparence.

 

Le bain, vapeurs orientales, bougies et la musique toujours présente. Je me déshabille comme si c’était la première fois, avec maladresse, rapidité, de plus en plus d’impatience. Je me glisse dans l’eau qui me recouvre de sa chaleur parfaite et mouille ma peau, centimètre après centimètre, comme la vague gagne la plage.

 

J’oublie ma nudité. Je ferme les yeux, je souris. Je vous attend. Car je vous sais si proche que de vous regarder ne me servirait plus à rien. J’entends le froissement soyeux de vos gestes. Je suis venue, pour vous. Vous le savez. Vous me l’aviez demandé. Non pas comme une prière mais bien comme le soupçon d’un désir, celui qui parfois nous prend à la pensée de l’autre.

 

Je tremble encore. On pourrait croire que j’ai froid, mais c’est l’attente de vous qui me prend en saccades, en cascades, dans un dédale mêlant mon envie à ma peur, mon attente à mon impatience, ma volonté à mon abandon. Et si vous vous faisiez couler un bain ? m’avez vous écrit. Et si ne serait ce qu'une heure vous divorciez du quotidien ? m’avez-vous suggéré. Et si pour une heure, vous deviez être avec moi ?

 

Dans ce bain, nue devant mes désirs, j’oublie et vous attend. Peut-être aurais-je du prendre mon verre mais ma main n’aurait su, sans doute, le tenir, que j’abandonne alors sur mon ventre, puis, en doux glissé, entre mes jambes.

 

Sourires... Vous vous penchez vers moi. Sans vous voir, je ne manque aucun de vos gestes. Je vous embrasse. J’ai juste peur que la musique ne s’arrête.

 

Et si pour une heure, vous deviez être avec moi ? m’avez-vous demandé. Alors que ma langue, ma bouche, mes lèvres, mes seins, mon ventre, de mes cuisses au bout de mes doigts ce corps vous réponde. Et si pour une heure, vous deviez être avec moi ? Je n’en finirai pas et en réclamerai une autre, puis une autre et ainsi comme une musique en boucle qui n’a de fin que celle qu’on veut bien lui donner.

 

Si je devais être à vous ? Alors je vous ferai mienne.

 

 

 

 

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À propos
M. T.

Auteure (romans, nouvelles, chansons), scénariste, amoureuse des mots et des arbres...
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L
Je passe de temps en temps. Souvent ne trouve rien. Et puis soudain, une histoire. Et le quotidien devient désespérement quotidien...
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M
<br /> <br /> Alors à votre prochaine venue, venez ici pour y trouver un sourire...<br /> <br /> <br /> <br />
A
J'ai manqué l'acte 1 ! Mais j'arrive à suivre l'histoire quand même...
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M
<br /> <br /> Je n'en doute pas un seul instant ! Sinon, pour le premier opus, c'est ici... http://www.l-avionrose.com/article-36307918.html Bonne lecture...<br /> <br /> <br /> <br />
P
Ces heures en bouclent seraient alors consignees dans des petits carnets qui de noir passeraient au rose pour y annoter ces nouvelles riches heures. Et .... j'ai divorcee de ma vie quotidienne<br /> quelques minutes a la lecture de votre texte si dense et cette separation temporaire d'avec moi-meme fut ... paradisiaque. Merci Madame La Pilote.
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M
<br /> <br /> Et mon bel avion s'envole d'aise pour les plus beaux loopings de plaisirs partagés...<br /> <br /> <br /> <br />