Nouvelles érotiques au féminin, poésies saphiques, littérature lesbienne
12 Décembre 2011
Aujourd'hui, sans y prendre garde, au hasard d'une publication (merci Asl&é), m'est revenue en tête cette chanson depuis longtemps enfouie dans un des jardins de ma mémoire. Je ne l'ai jamais vraiment chantée cette chanson, je n'appartiens pas à son époque, à peine l'ai-je fredonnée, mais je me souviens parfaitement du jour où je l'ai goûtée, du bout de la langue comme un plat trop chaud ou que j’aurais eu peur de ne pas trouver bon.
Il y avait cette femme devant moi, aux cheveux coupés au carré, blond, légers mais si libres que toujours sa main pressée les transformait invariablement en pointes bousculées, mèches rebelles et épis frivoles. Elle avait trente ans, j'en avais vingt. J’allais pour la première fois comprendre que la douceur de ce visage de femme m'emporterait vers des rives plutôt que des rivages, vers des mers plutôt que des océans, vers le féminin et son pluriel plutôt que le masculin si singulier.
Je ne savais pas. Je ne comprenais pas. J'allais sans penser, sans craindre rien de l'avenir ni de mes désirs. A tâtons, aveugle, dans la plus parfaite des méconnaissances de la vie parce que ce n'est pas ce qui importait alors. Elle était là, devant moi, souriante, attentive, cherchant dans le balbutiement de mon discours de quoi accrocher ses propres mots d'amour. Je la regardais, et répondais à son sourire sans arrière-pensée, mais sans deviner qu'il fallait dire, avouer, entrer en confidence. Écouter et lui parler.
Je ne voyais pas que le froissement de ses lèvres entrouvertes menaçait à jamais la certitude de mon dessin de vie, de mon destin, de mes croyances. Je ne pouvais déceler alors que cette présence si subtilement parfumée et doucement éthérée allait m'affranchir d'une route somme toute rassurante car attendue, tracée, si conventionnelle, pour ouvrir la boite non de Pandore, mais de mes rêves les plus profondément enfouis aux creux de nuits sans veille où le plaisir qui s'annonçait prenait invariablement les traits d'Une...
J'étais en expectative. J'attendais que se révèlent les promesses de mon aube, que se dressent mes combats, que s'équilibrent mes visions, que m'impulse la force d'être moi, tout simplement moi. Pour ne plus me chercher mais admettre qui j’étais. Elle avait trente ans, j’en avais vingt. Elle tenait ma main dans la sienne, je la lui laissais.
Un jour, elle m’a demandé : M’aimez-vous ?
Je lui ai répondu : Je ne sais pas…
Elle a souri et s’est mise à chantonner….
Auteure (romans, nouvelles, chansons), scénariste, amoureuse des mots et des arbres...
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