Nouvelles érotiques au féminin, poésies saphiques, littérature lesbienne
9 Novembre 2009
C’est un renard, un petit renard des sables venu du désert. Son cœur bat vite, très vite. Il s’affole dans le creux de son corps famélique. Il n’a rien, plus rien. On ne garde pas son terrier dans le sable. Il s’est englouti sur lui-même, rejetant l‘animal solitaire loin de ceux qui l’ont vu naître. Il tremble car il fait froid, la nuit, dans le désert. Si froid que les pierres éclatent. Le bruit est familier mais continue de l’effrayer.
C’est un renard, un petit renard aux yeux bleus comme ses lointains cousins berbères. Il fait de larges cercles autour de nous, apparaissant parfois dans la lueur de nos lampes, tremblant, petit, inoffensif, pathétique. Les hommes se moquent, rient, le chahutent lui font croire qu’ils vont lui donner de cette eau dont ils s’abreuvent à grandes rasades. Il n’y a pas de pitié dans le désert. Celui qui tient l’eau vit. L’autre meurt. L’animal le sait qui voudrait s’approcher mais n’ose pas, terrifié de nos voix, attiré et maintenu au loin, fiévreux, perdu. Il n’a pas de nom.
C’est un renard, un petit renard qui nous suit depuis plusieurs jours. Nous sommes la seule lumière qui flotte pour lui la nuit. Il s’y accroche comme sur un radeau. Le matin, il mâche la cendre de notre feu, nous suivant au loin, pas trop loin, de peur de perdre notre caravane. Lorsque le soleil est trop haut, que la brûlure est trop intense, que les hommes s’endorment pour une heure, il se blottit sous une pierre et ferme ses grands yeux épuisés. Comme j'ai peur qu’il ne se réveille pas, je pleure pour lui, mais mes larmes salées ne lui sont d’aucune utilité.
C’est un renard, un petit renard qui se noie dans une mer de sable, aux sublimes roses pétrifiées. Eloignée du campement, un soir, isolée, je l’ai attendu. J’avais de l’eau. J’avais un peu de viande. Assise, je ne respirais plus, fixant en retrait la pierre de mon offrande. Je priais pour qu’il vienne et reconnaisse dans ce geste tout cet amour que je lui destinais. Les hommes ne voulaient pas me voir m’éloigner. Je les avais chassés de la main et sans comprendre leur langue, j’avais entendu la dureté de leurs mots.
C’est un renard, un petit renard qui n’est jamais venu me laissant seule devant la vanité de mon désir. Lui seul sait qu’on ne change pas son destin. Au camp, les hommes chantaient et ce chant rendait le soleil encore plus insupportable. Moi, je ne bougeais pas. Je ne voulais plus bouger. Je voulais encore attendre là, que l’animal revienne et se décide enfin à me caresser la main. Ma peau était blanche. Le sel peu à peu s’en exprimait. Le scorpion qui m’avait mordu le cœur s’échappa de ma poitrine. Je ne bougeais pas, je ne bougerai plus.
C’est un renard,
Un petit renard du désert
Qui joue avec mon âme,
Aujourd’hui
Et jamais ne me lâche.
Auteure (romans, nouvelles, chansons), scénariste, amoureuse des mots et des arbres...
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