Nouvelles érotiques au féminin, poésies saphiques, littérature lesbienne
8 Décembre 2009
Un petit détail, survenu très récemment, l'a (je suppose) initié, me projetant vers cette soirée où…
J’avais pris le train en fin d’après-midi. Pour arriver en début de soirée. C’était la première fois que je prenais cette ligne, en départ de Montparnasse vers le sud-ouest. Une idée comme ça, un coup de tête, une envie de croiser l’Atlantique, une mer que je fréquente très peu, me rendant plus facilement en Normandie ou bien, dans ma famille, non loin de Nice. Mais pas seulement l’Atlantique. J’étais poussée, attirée par une invitation qui n’en était pas une non plus, disons plutôt une porte entrouverte, un petit défi, vous savez, un peu comme dans le film « Jeux d’Enfants» où un petit garçon et une petite fille se défient quotidiennement au jeu du « Cap ou pas cap » les poussant à perpétrer les pires bêtises jusqu’à leur âge adulte.
La rencontre s’était produite au sein d’un groupe que je fréquentais depuis peu, des relations liées au monde de la littérature et de l’édition. Il y avait cette femme, un peu lointaine, pourtant souriante, très entourée, séduisante mais plus dans le jeu, me semblait-il, que dans une réelle volonté d’approche. J’échangeais de temps à autre quelques mots avec elle, sans plus, mais sentais bien que quelque chose se tramait. Pour un Avion, il est normal d’avoir des radars et les miens sont plutôt de précisions. Il faut bien que je me dirige de nuit et dans le brouillard parfois total... Je sais alors très vite discerner chez l’autre le simple intérêt curieux, celui provoqué par l’ennui, la nostalgie d’une relation passée, l’ivresse de la solitude et bien d’autres raisons toutes aussi complexes et dont je préfère sagement m’écarter, de l’intérêt provoqué lui par une véritable attirance, sincère, concrète, une attention persistante et dénuée de toute notion d’assistance à personne en danger. C’est à ce sentiment là que je réponds généralement et depuis quelque temps, ce radar là avait été émulé et pointait en direction de la dite personne. Mais, pour une fois, je doutais de l’exactitude de son signal. J’avais l’impression qu’il m’envoyait dans la mauvaise direction. Pourtant, je le reconnaissais, elle me plaisait, elle ne semblait rien attendre, rien demander et avait l’heur de regarder de temps à autre dans ma direction. Oui, mais…Dans le doute, je m’abstenais…
Nous avions échangé nos adresses Messenger que mon neveu avait réussi à installer sur mon MacBook réfractaire depuis toujours à cette application et j’en jouais allègrement depuis peu. Un matin, me connectant, j’avais lu le message suivant me précisant – une date – une heure - un lieu - une adresse, le tout suivi par cette phrase quelque peu sibylline, le fameux « Cap ou pas cap ? » accompagné de sa signature. J’en avais été, je dois vous l’avouer, la première surprise n’ayant, à aucun moment précédemment, entamé une discussion qui eût pu nous amener à prendre rendez-vous ensemble. Notre relation était restée courtoise, de bon aloi, cordiale mais distante. Qui plus est, il était évident, vu la forme de l’invitation, que ce n’était pas pour me parler littérature que cette femme m’invitait à la rejoindre. Il y avait du mystère là-dedans, un défi, une tentation, un appel aux sens, à l’émotion mêlée d’appréhension, une porte entrouverte derrière laquelle elle m’invitait à pénétrer les yeux bandés… bref… Aucune raison plausible à laquelle je puisse résister…
Le trajet dura trois petites heures qui s’envolèrent allègrement dans la course aux questions réponses que je tentais de me poser et surtout, de résoudre. Plus les kilomètres passaient, moins je comprenais ce que je faisais là, dans ce train à grande vitesse, traversant d’Est en ouest le territoire, pour me rendre à un rendez-vous auquel je n’avais même pas répondu. Il était évident, dans la forme du message, qu’il n’attendait pas de réponse. Inutile. Je m’y rendais, ou pas. J’étais cap, ou pas cap. Mon rythme cardiaque s’accéléra malgré moi. Je décidais de ne plus me poser de questions et de profiter du paysage sans me rendre compte que la nuit était déjà tombée depuis longtemps.
J’avais une petite heure à perdre sur place. J’en profitais pour marcher dans la ville, rejoindre le port, aspirer cet air froid mais si puissant que la mer charrie, passant ma langue sur mes lèvres déjà salées par des embruns invisibles qui frôlaient ma peau. Il y a un bruit que j’aime par dessus tout, c’est le cliquetis des haubans métalliques qui s’entrechoquent doucement/ Clicliclicliclicliclic….je passerais des heures à l’écouter.. Clicliclicliclicliclic… Cela m’apaise, me parle de voyages, d’ailleurs, de nuits qui n’en finissent pas, de douceur… J’étais bien, presque en retard. Je me dirigeais, plus sereine, vers l’endroit indiqué dans le message que j’avais repéré à mon arrivée, et que j’avais trouvé plutôt froid et quelque peu désert.
Le lieu était bondé ! C’est à peine si j’arrivais à me glisser à l’intérieur. La musique à fond rendait les conversations délicates car hurlées donc se chevauchant. Mais ce qui m’avait paru plutôt glacial un peu auparavant s’avérait être un endroit convivial, vivant, très plaisant. Au comptoir, je commandais un verre de vin blanc, Chardonnay, mon délectable péché, surtout lorsque son nez est floral, pamplemousse et que son gras lui donne une agréable souplesse en bouche avec une pointe de vivacité, à la fin. Je fus surprise par son arrivée.
- Excellent choix… je connais le propriétaire. C’est un bon vigneron et un fin oenologue.
Elle me souriait. La foule nous pressait un peu l’une contre l’autre. Je ne savais absolument pas comment lui répondre « Bonjour ? » Devais-je l’embrasser ? Mais je ne l’avais jamais fait auparavant. Embrayer sur le vin ?… J’optais pour un sourire que j’espérais ravageur. Elle me renvoya son propre sourire sans un mot qui se planta pile sur sa cible, au beau milieu de mon muscle cardiaque. Nous restâmes quelques instants ainsi, à nous regarder, à nous sourire, enfin elle, moi je devais en être à la grimace douloureuse, convenant en silence, par ma présence, que, finalement, j’avais été « cap ».
« Finissez votre verre, sans précipitation ».
Elle disparut aussi vite qu’elle était venue, se fondant dans la foule avec une grâce déconcertante, liane souple. Attirante, plusieurs garçons se retournèrent vers elle à qui elle décocha son sourire d’amazone. Devais-je la suivre ? Que m’avait-elle dit déjà ? Avait-elle seulement elle-même commandé un verre ? J’essayais de garder un contact visuel avec sa chevelure qu’elle portait en chignon relevé, mais dans cette horde sauvage de consommateurs effrénés, je la perdis très vite. Elle avait été comme engloutie par la foule, mangée, avalée, dissoute.
Notre rendez-vous devait-il se réduire juste à cette rencontre fugace ? cet échange de sourires ? Voulait-elle juste prouver l’impact de sa séduction et de sa persuasion ? Allais-je faire un aller et retour uniquement pour prouver que je savais relever les défis ? « Finissez votre verre, sans précipitation ». Je levais la tête.
En haut de l’escalier, elle me sourit à nouveau. Je compris. Je portais mon verre à mes lèvres, doucement, et bus à petites gorgées que je savourais, l’une après l’autre, en toute quiétude. Je regardais autour de moi. Les lumières avaient été baissées, imperceptiblement, comme pour une invitation à la danse, au partage, aux dialogues des corps.
J’eus presque le désir de commander un autre verre. Pour savourer cette attente.
…
Le couloir était peu éclairé. Il n’y avait personne et dès les dernières marches franchies, les décibels de la musique s’étaient estompés pour s ‘éteindre très vite. Je continuais dans le couloir désert. Où était-elle ? Au fond du couloir, trois portes, deux noires et une rouge. Je n’ai pas hésité. Je comprenais le message. Evident.
Je n’ai pas frappé à la porte. Je suis entrée. La rouge, impair et manque ? Non, gagne. Pas d’effraction. Elle m’attendait. Depuis combien de temps, déjà ? Elle a souri, alanguie, couchée sur le ventre, bras au-dessus de sa tête, cheveux épars. « je commençais à avoir froid » me reprocha-t-elle, dans une petite grimace bougonne. « Venez me réchauffer ».
J’avais l’impression d’être déjà venue dans cette pièce, une seule fois. Seule. Je me voyais alors me coucher moi-même dans ce lit aux draps satinés, à la couleur vieux rose, un peu sombre. Les rideaux de la chambre, tirés, occultant les détails dans une obscurité douce, je m’imaginais l’avoir alors attendue dans une fièvre montante, impatiente, troublante. Peut-être n’était-elle pas apparue alors mais il est vrai, qu’à ce moment là, imaginaire, elle ne m’avait pas encore invitée à la rejoindre. J’étais venue sans prévenir. Passage à l’improviste.
Cette fois, nous avions rendez-vous, mais un rendez-vous sans préalable, juste une invitation, une attente, un désir de se retrouver sans vouloir rien contrôler. J’étais venue ; elle était là. Je l’avais rejointe ; elle m’avait attendue. « Cap », oui, j’avais été « cap », comme un cap à franchir, un cap à décoder. D’un commun accord, mais tacite, nous venions l’une à l’autre. Enfin. Derrière la Porte Rouge.
Je commençais à me déshabiller, lentement. Je savais qu’elle ne voulait pas de précipitation. Nous avions tout notre temps. nous nous étions attendues depuis si longtemps. J’ôtais mon pull que je jetais sur un fauteuil. Je portais un débardeur, en dessous. Pour mon confort, parce que c’est l’hiver. Parce que c’est mon côté petit mec. Parce qu’il me met en valeur. Je m’assis à côté d’elle, savourant de la regarder s’étonner de me découvrir. Je me penchais vers elle et posais mes lèvres près de son oreille « Bonjour Mademoiselle ». elle ne répondit pas mais sourit, imperceptiblement.
Sous mon débardeur, rien d’autre que le dessin de mes seins et le relief qu’offraient mes tétons érigés en hommage au désir qu’elle m’inspirait. Elle se retourna face à moi et se redressa légèrement sur l’oreiller. Elle me dévisageait non sans une certaine arrogance, sûre qu’elle était de me voir là, à son chevet. Elle passa sa main dans mes cheveux coupés court, s’étonna de leur épaisseur, se rendit compte qu’elle pouvait les agripper facilement. Elle referma son poing sur une mèche et m’attira vers elle, faisant glisser mon visage contre le sien pour venir, à son tour, poser ces lèvres à mon oreille. « Vous n’êtes pas mon style, d’habitude ». Elle me repoussa. Je la dévisageais à mon tour. Mais qu’en avais-je à faire de ce à quoi elle était habituée, puisque c’était moi qui me trouvais devant elle, maintenant, à cette heure, et qu’elle l’avait désiré.
En réponse, je lui souris avec la même arrogance avec laquelle elle m’avait reçue. Et cette fois, sans me pencher, je lui confiais « Vous non plus, vous n’êtes pas mon style. Vous êtes vous jamais posée la question ? » Elle partit d’un éclat de rire massif, un peu rauque, sans doute fumait-elle trop. Puis se taisant soudain, son visage emprunté d’une certaine gravité, elle se saisit de mon débardeur pour le soulever d’autorité et le passer par dessus ma tête. Elle découvrit ainsi ma poitrine, ronde, bien formée, aux aréoles parfaitement dessinées.
« Musique ? »
Son bras, sa main glissèrent vers le bas du lit. Une télécommande. Elle appuya sur « play ». Elle avait tout prévu. Tout ? Le son sortit, faible, volume au plus bas, juste en accompagnement lointain.
Je frissonnais en faisant glisser le drap vers le bas de son corps. Elle était entièrement nue, ses seins, légèrement plus petits que les miens, durcis par l’attente, le Désir et le froid aussi. Elle frissonna à son tour. J’arrêtais la course du drap au niveau de son bas-ventre. Je voulais prendre mon temps. Elle chercha à ôter le cran de ma ceinture. Ma main retint son geste.
« Non ».
Sans autre mot, je m’allongeais sur elle, l’obligeant à écarter ses jambes pour me recevoir, mon torse légèrement remonté par mes bras en extension, le bout de mes seins frôlant le bout de ses seins. Je baissais lentement mon visage vers elle, prenant soin de ne pas m’alourdir sur elle.
Elle entrouvrit très légèrement sa bouche. J’aperçus la pâleur rosée de sa langue. Je déposais mes lèvres sur les siennes, pour la première fois, sans l’embrasser, juste en l’effleurant, ma propre langue venant caresser le velours de ses contours. Sa main s’enfouit à nouveau dans mes cheveux courts et elle rejeta ma tête en arrière, me regardant fixement, m’empêchant de continuer. D’une manière inattendue, avec une puissance dont je ne la croyais pas capable, elle me rejeta sur le côté et fut sur moi aussitôt, assise sur mes cuisses ainsi maintenues prisonnières. Elle se pencha vers moi. Toujours ce sourire.
« Non ? »
Je retins ces cheveux pendant qu’elle plaquait sa bouche contre la mienne et que nos deux langues, au contact l’une de l’autre, s’enfiévraient, s’enroulaient, et se mettaient à danser l’une contre l’autre.
Je lui tenais la taille, je caressais son dos, ses épaules, ses bras. Nos mains se mêlant, nous jouions avec nos doigts comme sur les touches d’un piano. Nous avions tout notre temps, enfin. Nous ne parlions pas. Nous laissions nos corps s’exprimer, se parler, se découvrir, échanger, donner et prendre. Elle bougeait imperceptiblement, mouvant son corps comme dans un tango, lent, sensuel, aguicheur. Au rythme de la musique.
Ma main glissa sur son ventre et trouva instantanément cette partie d’elle qui s’offrait à moi si généreusement. Elle laissa échapper un râle alors qu’elle me fixait à nouveau de ses yeux verts ? noisettes ? peut-être bleus. La lumière était si faible…Ces deux mains, fébriles, quittèrent mes seins qu’elle caressait si délicieusement, pour cette fois, d’autorité, enlever les derniers vêtements qui faisaient une frontière rugueuse entre nos deux désirs. Maintenant, nue, contre elle, je n’attendais plus que notre Plaisir.
Je sentis battre mon sang dans mes veines alors que ma main se perdait sans contrôle dans ses creux et plis que cette attente avait rendu si abondamment glissants. Elle se cambrait sous moi. Je m'offrais à elle. Je la désirais. Je la voulais. Je me donnais. Qu'elle me prenne ! Elle jouait de mon corps. Je lui donnais tout. La musique en boucle. Qui était-elle ? d’où venait-elle ? autant de questions qui ne m’importaient plus. J’avais croisé son regard, sa voix, sa musique quelque temps auparavant, lointaine et distante, impossible, et ce soir, elle était sous moi, à gémir, à m’appeler, à se tendre, à s’offrir, à s’ouvrir, à me retenir, à me donner, à me damner, à me prendre entre ses mains, ses doigts, sa langue.
Notre jouissance vint si vite qu’elle nous laissa étonnées, stupéfaites, muettes… Nous avions alors tout notre temps, tout le restant de cette nuit pour nous donner, à Plaisir, à loisir, ce que nous étions venues chercher… Encore et encore… Cap ou pas cap…
Cap.
Auteure (romans, nouvelles, chansons), scénariste, amoureuse des mots et des arbres...
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