Nouvelles érotiques au féminin, poésies saphiques, littérature lesbienne
13 Janvier 2010
Surtout le matin, un peu moins le midi et ça revient le soir… Je pense que cette maladresse est principalement liée à un problème de concentration, n’en ayant aucune le matin, et pas trop le soir, la fatigue aidant. Alors je fais des bêtises…Je ne fais pas attention, je pense à autre chose, je vagabonde et crac, la tasse tombe, le café se renverse, les pieds se prennent dans le tapis, la tête heurte la porte du placard laissée ouverte, jusqu’à aller poser la main sur la plaque électrique pour vérifier qu’elle est suffisamment chaude… alors évidemment, cela laisse quelques traces !
Par exemple, aujourd’hui, une énorme poupée entoure mon pouce droit. Qu’ai-je fait ? Ho, rien de bien extravagant… ce matin, après mon petit-déjeuner, étant une femme ordonnée, j’ai voulu ranger ma vaisselle mais là, patatras, je cogne un verre tulipe contre le bord de l’évier et malheureusement, le fend. Je décide donc de le jeter, ouvre la poubelle de la cuisine et le dépose. Mais alors je m’aperçois que le couvercle, en retombant, reste entrouvert…Je vais vous faire un aveu… Appelez cela comme voudrez, TOC, manie, bizarrerie mais il m’était alors impossible d’envisager quitter la pièce sans que le couvercle ne soit correctement replacé. Il en aurait fallu d’une journée complète à focaliser sur cette béance, voire d’une insomnie à passer la nuit imaginant ce couvercle légèrement remonté. Je décidais donc d’enfoncer légèrement le verre dans la poubelle afin que le couvercle retrouve la place qui lui est échu.
C’est là où la maladresse opère… je ne trouve alors rien de mieux que de mettre la main à plat sur le verre et de… forcer…. Bien sûr, le verre fendu explosa et prise dans mon mouvement, je m’enfonçais alors allègrement les morceaux dans la main ! L’effet fut radical, net et précis. Deux belles entailles apparurent aussitôt desquelles jaillirent le plus pur et rouge des liquides sanguins. Rien de bien dramatique, je vous rassure, sauf que…l’une des entailles se trouvant au beau milieu de l’intérieur de mon pouce, à chaque mouvement et croyez-moi, on en fait des mouvements avec le pouce !, et bien à chaque mouvement, l’entaille s’ouvre et saigne abondamment à nouveau…
Une seule solution… une grosse poupée pour éviter d’en mettre partout et direction la pharmacie, pour un conseil avisé et un petit pansement ajusté. Je suis maladroite mais si en plus, je dois traficoter un pansement de la main gauche… inutile de vous dire que je ne suis pas rendue…
Mais pour aller, de chez moi à la pharmacie la plus proche, habitant une charmante mais un peu reculée campagne, il me faut prendre la voiture. Ors, aujourd’hui, il neige ! Mais avais-je vraiment le choix ? J’enfile un veste en prenant garde de ne pas la tacher, sors, rejoins mon véhicule en glissant légèrement et démarre… mais pour sortir de chez moi, il y a une légère côte. Pas grand chose mais suffisamment pour vous faire patiner et reculer au lieu d’avancer. La seule solution, est d’y aller franco pour rejoindre la route en priant juste que n’arrive pas alors un autre véhicule qui, surpris, n’aurait aucune échappatoire que de me rentrer dedans. Mais je sais ruser… j’ouvre la fenêtre, j’écoute et si je n’entends aucun autre moteur que le mien, je fonce ! Encore une fois, je vous rassure, mon ouïe est excellente ! Et c’est sans aucun problème que je partis ainsi, mon pouce en l’air, me le faire raccommoder.
Ha, le charme des pharmacies de campagne…mais c’est sans doute valable pour toutes les villes… N’avez-vous pas remarqué que ces officines sont l’endroit de rencontres privilégiés de tous les vieux, pardon, personnes d’âge mûr, du coin ! Quatre devant les comptoirs, deux autres assises et une qui me passe carrément devant alors que bien gentiment et avec beaucoup d’éducation, je lui tenais la porte pour rentrer, le petit pouce en l’air !
Reléguée en septième position, je décidais de prendre patience tout en commençant à être à court de kleenex, la poupée passablement rougeâtre, et les jambes subitement, légèrement en coton… il faisait très chaud. Je me plongeais dans la lecture d’un flacon de lait emmollient moisturizing for dryness skin lorsque… un bizarre son de cloche retentit alors que tout devait blanc autour de moi…
- Ca va aller, ne vous inquiétez pas…
Mais de quoi devrais-je donc m’inquiéter ?
- Respirez calmement…
Mais qu’a donc ma respiration de si étonnant ?
- Vous allez vous redresser doucement…
Pourquoi ? Je me tiens plutôt droite d’habitude ?
- Voilà, c’est mieux…
Qu’est-ce qui est mieux à la fin ? Je décidais alors d’ouvrir les yeux, prenant soudain conscience que fermés, ils ne m’étaient pas d’une grande utilité ! Je découvrais alors, penchés vers moi, des dizaines de visages fripés, grimaçants, bafouillants… une horde de trolls décidés à se jeter sur moi, sûrement mais, qu’après ajustement de ma vue, je comptais au nombre de six, six petites vieilles, pardon, personnes du troisième âge, jactant, pépiant, chacune donnant son avis sur la meilleur manière de me relever.
Me relever ? mais qu’est-ce que je faisais par terre ?! C’est là que je tournais la tête, tête dont je sentais confusément, sous la nuque, l’empreinte d’une main, chaude et ferme, qui me soutenait.
- Vous reprenez des couleurs… c’est bien…
Mon dieu quel sourire ! C’était donc cela le paradis… une paire d’yeux immenses, rieurs, attentionnés, une main dans mon cou, et… attendu de ma position assise par terre et du léger penché de ma « souteneuse » vers moi, le plus incroyable et vertigineux des décolletés… Sous la blouse blanche, ouverte, le tissu légèrement détendu par une position accroupie, de la soie émergeait, de la dentelle, le plus fin des cotons entourant délicatement l’une des plus splendides poitrines qu’il m’eût été donné de voir….
Ce n’est pas des couleurs que je reprenais, mais une fièvre subite qui me rendit alors rouge écarlate.
- Olympe ! Vous pourriez peut-être aidée Madame à se relever et l’asseoir dans l’arrière boutique…
Olympe… Elle s’appelait Olympe ! Alors je n’étais pas au paradis, mais mieux, au royaume célestes des dieux.
La main de ma déesse pris la mienne, ses yeux se fixèrent dans les miens.
- Vous pouvez vous relever ?…
- Si vous ne me lâchez pas, oui, je crois…
- Je ne vais pas vous lâcher…
Les trolls s’écartèrent légèrement pour nous laisser toute latitude de mouvements. Je ne me souviens pas comment, mais je me retrouvais debout, sans doute soulevée par ce regard intense, aérienne, les pieds bien au-dessus des nuages.
- Venez, je vais vous arranger cela…
Quoi donc ?… ha oui, ce pouce qui dégoulinait toujours sur ma manche.
Ma main dans sa paume…gestes délicats, sûrs, attentifs, précis…coton, désinfectant… brûlure… sourires…son parfum…mélange subtil…effluves boisées…touches épicées… douceur de sa peau contre la mienne…et toujours…à la pamoison…la promesse insondable d’une gorge dont les prémisses se dessinent… arrondis, pleins, suavité…son visage si près du mien…le dessin de ses lèvres…ses cheveux en cascades me frôlent…noirs jais…elle se penche…mon regard se noie…sa joue se pose contre ma joue…ses doigts sur ma main caressent…crème…je ne sens plus la douleur…je n’ai plus qu’une furieuse envie de l’embrasser.. d’oublier qui je suis… qui elle est… où nous nous trouvons… Olympe… Olympe…posez vos lèvres sur mes lèvres…blottissez-vous contre moi.. ne vous éloignez pas…laissez aller votre corps contre le mien… continuez vos caresses…votre main si douce…vos doigts qui se referment sur moi…sensation chaude…soupir… non, je n’ai pas mal…où plutôt si, au plus profond de moi, là où le trouble prend naissance pour envahir peu à peu mes sens… Olympe… Olympe…gardez-moi contre vous…offrez ce…
- La dame va mieux ?!
Le pharmacien, ventre en avant, sourire contrit, tiroir caisse aux yeux, me toise.
- C’est qu’on va fermer…
- J’ai terminé…
Olympe se redresse et s’écarte. Cela me coupe le souffle. Nos deux soupirs, exhalés en même temps, nous surprennent. Nous n’échangerons plus un seul regard…
Je reprends ma voiture, démarre, m’éloigne et dans le rétroviseur, derrière moi, juste avant le virage, avant de disparaître de ma vue, une croix verte s’éteint, hommage à ma maladresse et à ce pansement que je ne suis pas prête d’enlever…
Auteure (romans, nouvelles, chansons), scénariste, amoureuse des mots et des arbres...
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