Nouvelles érotiques au féminin, poésies saphiques, littérature lesbienne
30 Janvier 2010
Ecrire réclame de la force, du temps, de la réflexion et parfois tout simplement, de fermer toutes les écoutilles et de revenir à l’essentiel, l’histoire, son histoire, ses histoires, les histoires. Vous, nous, moi, peu importe. Juste dire, raconter, exprimer. Mais là, je ne peux pas. Je n‘y arrive pas.
Manque d’idées ? Non. Elles se bousculent chaque jour, se tendent, se tordent, claquent, s’affichent, se contorsionnent, chacune la plus belle cherchant à attirer mon attention comme la danseuse de flamenco se plante devant vous, rein cambré, son regard bien planté dans le vôtre, arrogante, fière, vibrante, vivante. Si vivante.
Manque de temps ? Oui, sans doute. L’emploi que j’en fais me bouscule plus qu’à l’accoutumée, m’emporte vers des ailleurs inattendus, me capte, me happe, m’envoûte, me traîne, m’assaille, m’engloutit, me libère. Alors je flotte entre le dire et le faire, entre l’écrit et l’action, ente mon âme et mon ailleurs…
Mais qu’ai-je donc à la fin ? Pourquoi mes silences ? Pourquoi plus aucune délivrance ? Alors que ma vie est là, aux creux de mes mots, de leurs sens. Que sans eux, il n’y a plus de souffle, plus de lumière ! Est-ce le moment ? Est-ce le lieu de dévoiler ?
J’aimerais que vous entendiez cette musique, notes cristallines, accords plus graves, rythme soutenu, haletant, binaire. Et sans plus vous raconter d’histoires, qu’enfin, vous compreniez mon histoire. Alors, laissez moi vous dire…
… Noël se préparait mais contrairement à l’accoutumée, cette année là, je ne préparais rien, je ne décorais pas. Pour tout vous avouer, j’ai une passion pour Noël, une vraie passion, enfantine, lumineuse, excitante. Des semaines avant, dès que les premières décorations pointent leur nez dans les magasins, j’arpente, je cherche, je fouille, fébrile, afin de dénicher cette décoration merveilleuse qui viendra agrémenter mon sapin ou la table, un pan de mur, un coin d’étagère. Chaque année, il faut que je LA trouve. Sans cela, Noël est sombre, inutile, presque raté. Il ne m’en faut pas deux, non, juste une que je poserai là, à son emplacement, presque religieusement, tout au moins avec dévotion, juste à l’endroit précis où elle se devait d’être. Je n’ai jamais d’a priori. Je ne cherche jamais rien de précis. Une année, j’ai rapporté par chance une boule recouverte de tissu moiré, assez sombre, légèrement pailletée, recueillie au fond d’une caisse soldée chez Harrod’s à Londres. (Et oui, il faut aller la chercher quand même !). Une autre fois, de Floride, j’ai rapporté un lubrique Père Noël qui se déhanche en chantant Jingle Bell Rock. (Cherchez sur YouTube, ça vaut le coup..). Encore une autre année, ce fut au Bricorama de Château Thierry que j’ai découvert un superbe oiseau tout doré qui fut du meilleur effet sur une longue branche haute du sapin. Mais cette année, nul achat, aucune balade, aucun furetage entre les linéaires, pas de regard qui traîne, à l’affût. Rien.
Le désir n’était pas au rendez-vous. Car je devais avant tout, en toute priorité, régler, finir terminer. Inscrire le mot fatidique, celui qu’on atermoie, celui qu’on fuit, celui qui fait apparaître les faiblesses, celui qu’on refuse par peur de l’après, celui qu’on inscrit à la craie en se disant qu’on pourra toujours l’effacer après, en sachant que cela n’est pas vrai, qu’une fois dit, il restera marqué à jamais… Vous l’avez deviné, je devais écrire le mot…fin.
Fin. C’est incroyable, non ?! Ce sont juste trois lettres, trois petites lettres F.I.N… et puis ça veut dire tout et son contraire aussi. La finesse, comme un fil ; l’intelligence, délicate ; le goût, subtil…Et l’arrêt, brutal, de tout ce qui a existé auparavant.
Fin, c’est finir. Et après, plus rien. Vous auriez envie, vous, de vous jeter du haut de la falaise ?
Et pourtant… je savais. Je savais qu’il fallait que je rompe. Même si le moment était sans doute curieusement choisi en plein milieu de ces périodes de festivités frénétiques. Quelle idée de rompre quelques jours avant Noël.. mais je savais, je sentais, j’en avais l’intime conviction, je ne pouvais pas continuer ainsi.
Rompre à quelque chose d’un lever d’ancre, d’un départ du port. Il faut couper les amarres, débloquer le gouvernail, se saisir de la drisse et hisser la voile, pas complètement, juste un peu, mais suffisamment pour qu’elle vous emmène sans encombre hors du port. C’est un art, plus qu’une technique. Il faut sentir le vent, reconnaître parfaitement le lieu, avoir une acuité parfaite de tout ce qui vous entoure, faire corps avec le bateau, lui laisser de la souplesse tout en le maîtrisant, le guider sans le heurter, et le vent, toujours le vent, le ressentir, le palper, l’éprouver pour qu’il vous pousse sans vous repousser, vous déplace sans vous gifler, suivre sa direction, s’en servir et partir ailleurs.
J’ai rompu. Je suis sortie du port. Je suis partie vers la haute mer, qui n’est haute que parce qu’elle est profonde. Mais qui s’en soucie ? Ce qu’on laisse derrière soi, sur terre, est souvent bien plus abyssal. J’ai rompu, avant qu’on allume les bougies que cette année là, je n’avais pas sorties.
Auteure (romans, nouvelles, chansons), scénariste, amoureuse des mots et des arbres...
Voir le profil de M. T. sur le portail Overblog