Nouvelles érotiques au féminin, poésies saphiques, littérature lesbienne
4 Septembre 2009
- L’appartément dou 5èmeuche, il a été louéche. J’echpère qué ché pas dou gens qui fait dou bruit.
Et bien, chère Madame Pereira, pour l’heure, force est de constater que oui, tout ce monde fait beaucoup de bruit. Je me décidais alors d’éviter la crise de nerfs que je sentais monter en focalisant sur le moindre grincement et d’opter pour une séance relaxante sur le canapé, pieds légèrement relevés, tête calée sur un coussin, écouteurs sur les oreilles, concerto pour violoncelle de Saint Saens s’en échappant. Je fermais les yeux, respirait profondém…
- Bébert ! Ho ! Bébert !
J’enlevais les écouteurs d’un geste sec.
- C’est toi qu’as la clé du bahut ?! Faut que j’récupère les papiers à la dame !
Les papiers DE la dame ! Parlez fort mais parlez correctement ! Je sortis par la porte fenêtre ouverte et me penchais au balcon pour lancer un regard foudroyant à l’intrus hurleur et lui retoquer le vocabulaire lorsque je manquais de justesse de me prendre un énorme trousseau sur le crâne. Les clés, une bonne douzaine, s’écrasèrent dans ma jardinière, pulvérisant ma superbe verveine Babylon Blue que j’avais eu tant de mal à sauver des ravages de la canicule pendant mon absence, cet été.
- Bravo Bébert ! t’aurais pu viser jusqu’au rez de chaussée ! La p’tite dame, là, elle peut nous les renvoyer ?
La p’tite dame, mon gars, c’est pas te les lancer qu’elle va faire, mais descendre de les faire bouffer !
Je m’emparais du trousseau, traversais mon appartement, claquais la porte et dévalais les escaliers prête au pugilat sanglant. Au milieu de la cour, tranquille, le bonhomme devisait, clope au bec, avec une jeune femme. Dès qu’il me vit, il me montra du doigt.
- Ben la v’là, tiens !
La jeune femme se retourna vers moi et son air visiblement contrit limite anxieux me calma instantanément. Après tout, rien de grave n’était arrivé. La jeune femme s’avança vers moi, me tendant la main.
- Je suis désolée, on vient de m’avertir pour le trousseau. Ils n’auraient jamais du faire ça.
- C’est rien, ça peut arriver…
- Ingrid Lachaume . J’emménage au 5ème.
- Lachaume ?! Vous êtes de la famille ?
- C’et ma grand-mère. Je fais des études à Paris mais j’habite Toulouse. Grand-mère m’a laissé son pied à terre.
Un pied-à-terre de 120M2 dans les quartiers chics du 9éme arrondissement , j’ai connu pire… Mais le sourire franc et radieux de notre nouvelle voisine me fit légèrement baisser la garde. Je sais, je suis faible.
- Alors bienvenue chez la Borgne…
- Faudrait signer les papiers, là. On a fini. On voudrait bien rentrer, nous.
Le gros des clés du bahut, se sentant sans doute légèrement abandonné, commençait à s’impatienter. La belle se retourna vers moi.
- Vous permettez ?
- Je vous laisse.
Je quittais la cour et remontais les escaliers, à pied, l’ascenseur ayant rendu l’âme à 07H00 ce matin, dès le deuxième transport de cartons, avec la certitude qu’il ne serait pas rétabli avant lundi, Madame Pereira refusant d’appeler en dehors de ses horaires de service. J’arrivais, légèrement essoufflée, quand même, à mon étage… devant la porte close…l’angoisse enclenchée…un rapide contrôle effectué… poche droite… poche gauche… héhé… non, pas de clés !
J’étais partie tellement précipitamment et si passablement énervée que je n’avais pas capté deux secondes que le trousseau que j’avais à la main n’était pas le mien. Bien. Grande respiration il me fallut prendre. Zénitude, il me fallut adopter. Le dernier déménageur me croisa, le dit Bébert, sans doute, et me salua avec déférence. Je lui décochais un sourire tue-mouche. Je n’avais plus qu’à redescendre également et attendre 17H30 que madame Pereira soit à nouveau on duty.
C’est à ce moment là que notre nouvellement Ingrid arriva et, me découvrant devant ma porte close et à mon air dépité compris, futée, la situation.
- Ne me dites pas que vous avez laissé vos clés à l’intérieur ?
Je répondis par un signe de tête, vague, mais qui lui suffit et lui expliquais que mon double était chez la concierge dont, règle première dans l’immeuble, il fallait scrupuleusement respecter les horaires au risque de se faire occire et que le quart de son palier devant sa porte ne soit plus balayé. Le visage d’Ingrid se para d’un sourire amusé mais compatissant et elle me proposa aussitôt de venir patienter chez elle. Que pouvais-je faire de plus ? Attendre trois heures la réouverture du poste de garde ? Je lui fis signe de monter devant moi et la suivis dans la dernière volée de marches non sans admirer au passage, le délicieux balancement de ses fesses. Je sais, je suis très faible.
Au milieu d’un amoncellement de cartons et de meubles encore vides, Ingrid me prépara une tasse de thé. Ce n’est pas que j’ai une passion pour ce breuvage mais il semblait que c’était la seule chose préhensible pour l’heure. En moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire, Ingrid dégagea une partie du salon, posa un superbe service à thé anglais, peint de motifs floraux. Elle déposa dans une assiette quelques biscuits apparus dont ne sait quel autre carton, du sucre, du miel, un peu de lait dans un pot délicatement décoré lui aussi de fleurs vieux rose et, très nonchalamment, me proposa de m’asseoir sur le sofa ce que je fis. Aussitôt elle plaça un coussin avec beaucoup de grâce derrière mon dos. Cette Ingrid, décidément, savait recevoir et m’apparaissait comme la digne petite-fille de sa grand-mère. Et si je ne perdais pas au change ?…
- Alors comme ça, vous venez de Toulouse ?
Oui, je sais, on a trouvé mieux comme entrée en matière mais j’étais un peu déstabilisée par l’apparente décontraction de mon hôtesse qui semblait être ici comme un poisson dans l’eau. Elle ne prit même pas la peine de me répondre.
- Tout à l’heure, vous m’avez dit « bienvenue chez la Borgne ». Pourquoi cela ?
- Je vous ai dit cela, moi ?
Elle ne me répondit pas mais me plaqua un délicieux et impatient sourire. Je m’exécutais aussitôt, titillée par mon envie de lui plaire et aidée en cela par son délicat visage amène. Je ne vais pas vous le répéter, je suis très, très faible…
- Cela remonte au 19ème siècle, à l’époque du Second Empire. L’immeuble était alors un hôtel particulier réservé aux «demi-mondaines » , aux « grandes horizontales » aux « belles petites », bref, aux prostituées. La propriétaire des lieux était une proxénète notoire, Madame Delavigne, une marchande de toilettes qui trouvait dans sa clientèle huppée de généreux mécènes, messieurs de qualité pour entretenir ses filles. Tous les soirs, il y avait fête ici même. On faisait bal, au premier, Des jeux de société étaient organisés au second. A l’époque, les appartement n’étaient pas redécoupés comme ils le sont aujourd’hui. Ils étaient beaucoup plus vastes. Après le bal, on servait le souper. Ces messieurs étaient fins gourmets et gourmands en ce qui concerne les plaisirs de la chair, au sens large. Il paraît même qu’un soir, l’une de ses dames se fit servir, nue, sur un plat d’argent garni de violettes. Imaginez le festin…
- C’est incroyable ! Dans cet immeuble ?!
- Dans cet immeuble…
Ingrid regarda alors autour d’elle comme si elle découvrait soudain les lieux. Elle murmura presque prise de panique
- Chez ma grand-mère ?…
- Il y a des chances…. Les étages plus élevés étaient réservés aux appartements privés. Chacune de ses dames s’en voyait attribuer un dont les frais étaient pris en charge par son protecteur …C’est dans ses pièces que le couple illégitime se rejoignait dans un simulacre de vie commune, Monsieur aimant s‘imaginer vivant en compagnie de la charmante qui jouait alors l’épouse sage et fidèle, mais le bustier ouvert, les seins nus et la jupe relevée. C’était un grand fantasme de l’époque.
- J’imagine…
Effectivement, Ingrid semblait songeuse et n’arrêtait plus de regarder ses murs, les portes, les moulures peut-être tentant d’imaginer, d’entendre, d’apercevoir des bribes de ce passé, une musique ancienne, un éclat de rire cristallin, un froissement d’étoffe soyeuse, des soupirs.
- Mais pourquoi LA Borgne ?
- Madame Delavigne, notre maîtresse de ses lieux, avait eu un œil crevé lors d’une rixe où elle avait voulu séparer un client complètement ivre qui s’était attaqué violemment à l’une de ses protégées. Ce n’est pas que la dite Delavigne eut un grand cœur et le sens de la protection poussé à l’extrême mais elle n’aimait pas qu’on gâchât la marchandise. Elle sauta donc sur le malotru de tout son poids pour calmer son impétuosité avinée et lui faire lâcher le cou de la jeune fille . Elle le renversa, lui tomba sur la face et resta ainsi assise, son imposant derrière bien appliqué sur le visage de l’homme qui, à moitié asphyxié, chercha alors à tâtons le premier objet pouvant lui passer sous la main pour se défendre. Ce fut une fourchette qu’il alla tout droit planter dans l’œil droit de la marâtre.
- Waow…
- Depuis, elle portait un œil de verre qui parfois roulait au sol, expulsé de son orbite lorsqu’elle se mettait en colère !
- Vous exagérez !
- Non…
De la voir rire aux éclats me combla. Elle était vraiment charmante cette jeune femme Lachaume et je me réjouissais de plus en plus d’avoir pareille voisine au dessus de ma tête.
- Mais comment vous savez tout cela ? reprit-elle
- Votre grand-mère, chère jeune fille, m’en a appris une bonne partie.
- Ma grand-mère ?!
- Oui, et cela nous faisait bien rire aussi.
Une ombre soudain passa dans le regard d’Ingrid.
- Je suis triste pour elle qu’elle ait quitté tout ça.
- Elle n’est pas bien là où elle est ?
- Ho si ! Elle est très contente. Elle est près de mon frère, sa femme, ses petits enfants…mais elle a vécu tellement longtemps ici.
L’ombre passa aussitôt et Ingrid retrouva son sourire.
- Vous croyez aux fantômes ?
- Heu… (quelle drôle de question….oui, et j’en ai passablement la trouille..) Non, pourquoi ?!
- Moi j’aimerai bien qu’il y en ait. Vous imaginez, la nuit, on entendrait des musiques de salon, il y aurait des danseurs, des danseuses bien sûr. Elles seraient à moitié nues, voire entièrement nues, avec juste un voile de tulle qui flotterait autour de leur corps. Racontez moi encore une anecdote !
- Mais je vous ai tout dit.
- Vous mentez ! Je suis sûre du contraire ! S’il vous plaît. J’adore ce genre d’histoires…
Sa voix s’était faite plus pressante. Elle me regardait avec une grande intensité. Elle ne souriait plus. Ses lèvres restaient entrouvertes, comme en suspend, attendant que je me décide enfin. Je voyais l’heure tourner et je savais bien que bientôt notre Madame Pereira allait refermer son lourd rideau de fer jusqu’à demain matin et que je n’aurais donc plus l’occasion de récupérer mon double de clés… mais comme je vous l’ai déjà dit et redit, je suis (reprenons en chœur), très, très mais alors très faible…je repris donc mon histoire.
- Un soir, on annonça la venue d’un Prince russe, Stanislas Dementievic. Toutes ces dames étaient sur leur 31. On avait fait venir les meilleurs rôtis, les plus beaux fruits, les vins les plus délicats. Un orchestre jouait au premier des rondeaux et des menuets. Ces messieurs avaient revêtu leur plus belle redingote, lissé leurs favoris et attendaient avec impatience, tout en fumant de longs cigares, l’arrivée de ce prince dont on ne savait pas grand chose, finalement, mais qui semblait d’importance. Enfin le carrosse arriva dans la cour. C’était un magnifique attelage tiré par deux chevaux nerveux. Tout le monde se pressait aux fenêtres pour tenter d’apercevoir en premier ce si mystérieux invité…
- Attendez !
Ingrid me coupa la parole et se leva prestement. Elle tira les rideaux sur le soir qui tombait, alluma deux petites lampes discrètes qu’elle plaça aux extrémités de la pièce si bien que nous fûmes plongées dans une demi obscurité. Elle paracheva alors sa mise en scène en allumant une bougie, sortie miraculeusement d’un énième carton et qu’elle plaça sur un petit bougeoir en laiton, ravissant. L’illusion était parfaite. Nous plongions en plein 18èeme siècle, Stanislas Dementievic venait d’arriver et la soirée pouvait commencer.
- Le prince était à la hauteur de sa réputation. Il avait les traits d’une finesse incroyable, les yeux aussi noirs que ses cheveux, tirés en arrière, les lèvres précieusement dessinées, très légèrement charnues et sensuelles . Ses atours étaient d’une grande richesse, taillés dans les meilleurs tissus, ornés de pierres précieuses et de broderies incroyables. Il ravit aussitôt l’assemblée qui lui fut instantanément acquise. Son esprit, brillant, enchantait les messieurs, sa délicatesse, son savoir-vivre, son élégance, faisaient se pâmer ces dames. La soirée était un vrai succès et Madame Delavigne qui avait pris soin de faire polir son œil pour qu’il brillât de mille feux, se réjouissait de ce qui allait donner à son hôtel, une notoriété toute particulière. Le Prince Stanislas semblait, lui, s’amuser de toute cette activité respectueuse et empressée autour de lui et des multiples tentatives de séduction dont il était l’objet. Il faut dire que tout le monde, femmes mais aussi hommes, semblait être tombé amoureux du prince. Tout le monde sauf une personne, Anna Lorette, l’un de nos filles, qui elle, restait à l’écart et observait les différents manèges.
Je fis une pause. Ingrid me fixait de ses grands yeux noisettes, attentive. J’avais l’impression qu’elle s’était arrêtée de respirer pour ne pas perturber le déroulement de mon histoire. La lumière faisait ressortir la pâleur de ces joues et le blond de ses cheveux. Je continuais, parlant juste un peu plus bas, murmurant presque.
- Le prince remarqua assez rapidement la seule qui ne venait pas vers lui et ne semblait pas vouloir le flatter de mielleuses et enjôleuses louanges. Profitant d’un léger moment d’accalmie juste avant le dîner, il vint vers elle pour l’entretenir. « Vous semblez vous ennuyer ma charmante. » « Je ne m’ennuie pas, je vous observe, mon Prince. » « Et qu’ai-je donc de si particulier pour mériter une telle attention. » « Je ne sais pas. C’est peut-être à vous de me le dire. ». Ils furent alors interrompus par la Delavigne annonçant que le souper venait d’être servi. Toute l’assemblée se rua vers la table et l’on fit bombance pendant plusieurs heures. Tout était délicieux, exquis, surnaturel. A la fin du repas, la Delavigne voulant plaire à son hôte et que celui-ci puisse partir avec le meilleur des souvenirs lui demanda, avec discrétion, de choisir parmi ses protégées, celle qui, à ses yeux, saurait le combler. Le Prince n’hésita pas une seconde et désigna celle qui était restée muette pendant tout ce temps. On les mena alors dans un salon privé dont on referma avec cérémonie les portes…
Ingrid me coupa.
- Ici ?…(Sa voix était imperceptible)
- Ici même, dans ce propre salon Le prince fit le tour de la pièce, alla vers la bibliothèque, se saisit d’un livre, puis, avisant un large sofa confortable s’assit. Anna Lorette resta debout, devant lui, le narguant de ses grands yeux noisettes. Le Prince commença à lire. « Je ne vous plais pas mon Prince ? » Le Prince, referma le livre et prit un air ennuyé. « Bien sûr que vous me plaisez, mais l’abus de table et de vos vins me rend plutôt las. Ni voyez nulle offense. Vous êtes tout à fait désirable ». Mais Anna, au lieu de se renfrogner d’être ainsi délaissée, partie d’un grand éclat de rire sonore. « Que me vaut votre joie soudaine, ma douce ? » s’enquit le Prince. Anna le regarda droit dans les yeux, effaça son sourire et vint vers lui. « Mon Prince, si vous me faites l’affront de ne point me toucher et de m’empêcher ainsi d’offrir à votre auguste personne le plaisir qu’on lui doit, c’est ma place et mon solde qu’on m’ôtera. » « Mais qui le saura donc ? ma douce, les portes sont closes, les rideaux tirés » « Moi-même le saurais et ne pourrais affronter alors le regard inquisiteur de celle qui me protège et me loge. » Le Prince prit un air contris. « Je ne voudrais pas être la cause d’un tel état ». « Alors, déshabillez-moi, mon Prince » le défia Anna. Le Prince, non sans hésitations, se leva et commença à enlever ses gants brodés. Il les posa sur un guéridon bas et, sans un mot, s’approcha d’Anna. Il passa derrière la jeune femme et, avec beaucoup de délicatesse, commença à dégrafer la robe en brocart de soie à fleurs, roses, gansée du plus léger des velours et fermée en son dos d’une rangée de boutons dorés. Le Prince prenait tout son temps mais la robe finit par glisser des épaules de la belle, découvrant ainsi la plus majestueuse des poitrines. Anna se retourna lentement et fit face au Prince, arborant avec fierté ses deux seins magistraux. Le Prince semblait éberlué, hypnotisé et recula d’un pas comme s’il ne pouvait soutenir pareille vision. « Allons, mon Prince, ne vous découragez point, ces deux mignons, si durs et pointus qu’ils sont, ne vont point vous manger ». Mais le Prince semblait figé devant pareille apparition. Anna continua donc seule l’effeuillage. Elle déboutonna sa première jupe qu’elle fit tomber à terre, puis, un par un, ses cinq jupons pour enfin déplier la cage qu’elle avait lacée à la taille. Le buste libre, elle ne portait plus sur elle qu’un long pantalon sans entrejambes. Le Prince frémit. Anna le toisa et prit sa main qu’elle posa sur l’un de ses seins.. « Mon prince, si je me dévêts devant vous, il serait charitable que vous-même vous mettiez à nu » Le prince eût un sourire rapide mais recula et retourna s’asseoir. « Ma douce, permettez-moi de vous avouer qu’une méchante blessure de guerre me fit en ma virilité un bien cruel abcès. Je ne pourrais satisfaire ce que votre corps réclame et que, croyez-moi, je vous eusse procuré avec délice. » « Mon Prince, pourtant, vous me semblez en avoir un bel usage » « Qu’entendez-vous par là ? « J’entends, Mon Prince, que les mots exquis qui sortent de votre bouche sont sans aucun doute formés par la plus soyeuse des langues qui, si elle manie le plaisir comme votre faconde, saura me combler tout en ravissant mon âme ». Concluant sa phrase, Anna s’assit alors face au Prince et, écartant ses cuisses, laissa apparaître la plus charmante des toisons. Le Prince fixa cette apparition sans un mot, troublé au plus profond de lui même. « Alors mon Prince, ce paradis que je vous dévoile ne saurait vous charmer ? » Anna glissa alors l’une de ses mains entre ses cuisses et, écartant avec délicatesse et grâce sa corolle que l’humidité faisait légèrement briller, se caressa doucement. « Me laisserez-vous seule à combler un désir que vos mains, vos doigts, porteraient à l’extase ? » Le Prince se leva alors prestement et voulut quitter la pièce mais Anna, vive, se redressa tout aussi rapidement pour lui barrer le chemin. Bloquant l’issue, la jeune femme planta son regard dans celui de ce Prince fuyant et, retenant la main qui voulait l’en empêcher, elle délia à son tour, un a un, les lacets de la chemise de Stanislas qui se débattait de plus en plus faiblement. « Non, je vous en prie ma douce… laissez-moi… je ne puis… » La chemise ouverte laissa apparaître le torse de Stanislas ceint d’un épais bandage. « Mais que vois-je là mon Prince ? Une autre méchante blessure que vous protégez d’un linge qui peine à vous laisser respirer ? Vous aurait-on percé le cœur, mon Prince ? » « Je vous en prie… » D’autorité, Anna commença à dérouler le bandage. La respiration de Stanislas s’était accélérée. Il ne se débattait plus et se laissait faire. Il semblait rendre les armes. « Depuis combien de temps savez-vous ? » « Depuis le premier regard, mon Prince, car si votre apparence parfaite peut duper ceux qui n’y songent point, moi, mes sens qui ressentent ces choses là depuis toujours, en ont été aussitôt alertés. N’en soyez pas gêné. Et dites vous que je vous préfère ainsi. » Le bandage finit de rouler au sol dévoilant une superbe poitrine de femme. Deux seins, ronds, dodus, aguicheurs, dont les tétons, enfin libérés de leur carcan, pointaient, froissant le mamelon. « Alors, mon Prince, comment m’expliqueriez-vous le pourquoi de cette supercherie ? » Celle qui se faisait appeler Stanislas parvint enfin, tentant de maîtriser son trouble, à s’expliquer dans un souffle. « Je m’appelle Christina, je suis orpheline depuis l’âge de sept ans. Un vague cousin de ma mère m’a alors prise avec lui, me donnant les plus lourdes tâches, tout le travail de la ferme. A neuf ans, ma poitrine s’étant formée, il voulut profiter de moi. Je l’ai empalé au bout d’une fourche et me suis enfuie. Par peur des représailles, je me suis coupée les cheveux, me fis passer pour un garçon, travaillant un jour ci, un jour là, pour quelques années plus tard, me faire enrôler à l’armée où ma rage et ma colère me permirent très vite d’accéder aux plus hautes distinctions. Le tsar me nomma Prince et depuis, je suis vouée à ne rien dévoiler de ma véritable personnalité sous peine de perdre tout ce pourquoi je me suis battue. » Anna fut touchée de cette confidence qui devait en coûter à cette femme qui devait sa survie à son mensonge. Anna lui caressa alors les cheveux et lui embrassa le front. « Mais n’avez-vous jamais été surprise dans votre intimité ? » C’est un autre combat et pas le plus facile à gagner, croyez-moi ! » « Mais n’avez-vous donc jamais aimé ? » Christina releva tristement les yeux et regarda en face celle qui venait de la dévoiler. « Oui, j’ai aimé, mais sans jamais pouvoir y consentir, sous peine, bien entendue, d’être découverte » « D’où la blessure ? » « Oui » Un long silence se fit. Des larmes coulèrent sur le visage de Christina dont le corps fut alors secoué de sanglots silencieux. Anna la serra dans ses bras, séchant les larmes de ses baisers, calmant les spasmes de ses caresses. « Me trahirez-vous ? » finit par faiblement lâcher Christina. « Mon Prince, si je devais vous trahir, j’en fais le serment, que mon cœur cesse ainsi de s’agiter comme un fou dans ma poitrine » Anna se saisit de la main de Christina et l’appliqua contre son cœur. « Le sentez-vous, mon Prince, qui ne bat que pour vous ? » « Anna, je le sens et il me comble, mais s’en est un autre qui fait battre le mien, celui d’un des hommes de mon régiment, à qui je donnerai ma vie, faute de pouvoir lui offrir mon corps ». Anna regarda longuement cette femme ainsi mise à nue dans ses bras, et, sans un mot, avec une émotion qui lui déchira la poitrine, ramassa le long bandage dont elle ceignit avec beaucoup de délicatesse les seins. Retrouvant les atours et la puissance de son uniforme, Christina redevenue Prince reprit des couleurs et son air un peu supérieur. Anna la contempla. « Vous êtes beau, mon Prince » et fit la révérence. Lorsque plus tard dans la soirée, après qu’ils eurent rejoint les convives et dansé et bu encore, et que l’heure du départ sonna, Anna accompagna son Prince à son superbe attelage où les deux chevaux, impatients piaffaient en martelant le pavé. Stanislas y monta, puis, se retournant, embrassa longuement la jeune femme, lui abandonnant ses lèvres, sa bouche toute entière en guise d’au revoir…
J’arrêtais la mon histoire. Le silence se fit autour de nous. Ingrid, enfin, s’adressa à moi.
- Vous avez tout inventé, n’est-ce pas ?
- Presque…
- Et vous.. vous seriez.. plus Anna ou Christina ?…
- Sans doute un peu des deux mais moi, je n’ai pas à choisir…
Je me levais et décidais de partir. Il était déjà bien tard. Me raccompagnant sur le palier, soudain Ingrid poussa un petit cri étouffé.
- Vos clés ?!
- Ne vous inquiétez pas. Je vais allez affronter le dragon du rez-de-chaussée. J’ai beaucoup de courage, vous savez.
- Et heu… sinon… Vous reviendrez ? vous reviendrez me voir et… me raconter d’autres histoires ?
Je souris alors en songeant à ma recontre, ici même, sur ce palier, avec cette femme peintre L'inconnue de l'escalier B et à la délicieuse séance de pose qui s'en suivit. Je tardais néanmoins un peu à répondre mais… comme je suis… oui, merci… excessivement faible, acceptais bien volontiers !
Auteure (romans, nouvelles, chansons), scénariste, amoureuse des mots et des arbres...
Voir le profil de M. T. sur le portail Overblog