Nouvelles érotiques au féminin, poésies saphiques, littérature lesbienne

La Fille de Pigalle - Part 3 - Une nuit et un jour

La première gorgée de café me fit grimacer. Je le bois noir et sans sucre. Ma nuque était douloureuse, mes yeux brûlants, mon corps courbaturé malgré la douche que j’avais laissée couler sur ma peau pendant de longues minutes. J’étais exténuée, je n’avais pas fermé l’œil de la nuit et l’alcool que j’avais abondamment ingurgité me tenaillait les tempes. J’avais pioché dans tous les tiroirs de la cuisine, en vain, dans l’espoir d’y dénicher une aspirine salvatrice alors que, dans le réfrigérateur, la bouteille de jus de pamplemousse toujours réconfortante en pareil cas se trouvait être périmée depuis deux semaines. Je n’avais rien de solide à avaler, ni biscotes, ni rien d’autre de moins appétissant.

 

Cette matinée pouvait sembler commencer sous les pires auspices et pourtant, je ne pouvais m’empêcher de ressentir une émotion particulière, une volupté délicieuse, une sensation qui me courait sur tout le corps et continuait de susciter en moi des petites pointes de désirs, des vibrations de plaisirs. Je portais une de mes chemises de petit mec, glanée aux hasards de mes chapardages dans les placards et dressing de mes amis hommes, large, confortable et un bas de jogging retenu sur mes hanches par un cordon que j’avais laissé lâche. Ma deuxième mug de café terminée, je commençais peu à peu à découvrir le désordre régnant dans mon appartement. Ce n’était pas vraiment le chaos mais on pouvait constater que quelque chose s’y était déroulé d’incontrôlable, de bouillonnant, d’émotionnel. Un fauteuil avait été déplacé, une pile de revues avait glissé à terre, mon superbe pantalon de smoking YSL était en boule dans un coin et un escarpin, je ne voyais pas le second, trônait au beau milieu de la table basse du salon.

 

Elle posa ses mains sur mes épaules, dans un geste doux.

 

Perdue dans mes pensées, je n’avais pas remarqué son approche. Je tressaillis, non pas vraiment de la surprise de son arrivée silencieuse, mais plutôt du plaisir instantané que me procurèrent ses mains posées sur moi, l’une s’immisçant sous ma chemise, se calant sur mon sein, l’autre se glissant sous mon jogging, entre mes cuisses, à la rencontre de mes lèvres humides, déjà offertes, où ses doigts n’eurent aucune difficulté à trouver leur chemin. Lian me caressa avec une infinie douceur, posant sa bouche contre mon cou, baisant le lobe de mon oreille, m’offrant son murmure.

 

-       J’espère que c’est à moi que tu pensais pour être dans cet état là…

 

Le contact de ses doigts sur cette petite colline érectile, érigée, submergée, pendant que de son autre main, elle roulait entre ses doigts mon téton durci, me fit me cambrer et exhaler aussitôt dans un soupir, ma jouissance. Lian vint alors se mettre devant moi, s’assit sur mes genoux et me prit la bouche. Nous nous embrassâmes longuement, profondément, sans retenue. Alors seulement Lian me sourit, elle ne portait rien d’autre elle-même que l’une de mes chemises.

 

-       Bonjour.

-       Bonjour chère Mademoiselle…

 

Lian dégrafait ma chemise, bouton après bouton, avec lenteur, embrassant ma peau au fur et à mesure qu’elle la dénudait. Je frémis aussitôt, mais essayais de me reprendre.

 

-       Tu ne veux pas un café ?

-       Oui, mais après…

 

Lian se saisit de ma main qu’elle glissa, entre ses jambes écartées ce qui laissait toute latitude à mes doigts d’aller chercher son désir impatient. Elle me guida pour que je la pénètre, ferma les yeux, repris ma bouche et imprima à son corps un léger mouvement de bascule qui accompagnait mon geste.

 

Nos soupirs se mêlèrent, nos désirs s’exacerbèrent, nos plaisirs se multiplièrent.

 

Il faisait déjà presque nuit lorsque nous reprîmes connaissance. J’avais refait trois ou quatre fois du café mais nous n’avions jamais pu boire une seule tasse chaude. Un moment, Lian s’était endormie dans mes bras, juste comme une enfant, et avait murmuré des mots dans une langue que je ne connaissais pas. Elle s’était même agitée, prise comme dans un cauchemar et je l’avais alors calmée de mes baisers et de mes caresses. J’avais entendu plusieurs fois le téléphone sonner, me doutant qu’à l’autre bout du fil, la rédactrice hystérique qui attendait mon papier devait m’agonir d’insultes sur mon répondeur. Je n’avais pas décroché, en toute conscience que cela risquait de me faire annuler mon contrat. Seule Lian comptait et il était hors de question pour moi de perdre une seule minute de nos plaisirs échangés.

 

Mais pour l’heure, Lian furetait dans mon appartement et se tenait en contemplation devant mon impressionnante bibliothèque. Elle avait revêtu la chemise qu’elle avait laissé négligemment ouverte et qui dévoilait avec impudeur son corps souple, félin. Je la regardais ainsi, plongée dans une découverte attentive de mon univers, à moitié nue et malgré une fatigue extrême, je me pris à la désirer encore et encore.

 

-       T’as lu tout ça ? me demanda-t-elle, presque admirative

-       Oui, pratiquement.

-       Waow !…Moi rien que Femme Actuelle chez le dentiste, ça me gave !

 

Elle remarqua mon MacBook, posé dans un coin.

 

-       Ecrire, c’est vraiment ton métier ?

-       C’est un métier comme un autre, tu sais.

-       Non, c’est à part. moi aussi, tu sais, je suis un auteur.

-       Ha bon ? tu écris sur quoi ?

-       J’ai fait une chanson, une fois, mais je m’en souviens plus.

-       Tu ne l’as pas notée quelque part ?

-       Si mais j’ai jeté le papier, c’était nul.

-       Tu pourrais en écrire une autre ?

-       Toi, tu pourrais m’en écrire ! Pour mon tour de chant, ça serait génial, ça !

 

Aussitôt le souvenir de sa prestation dans le cabaret me revint en mémoire ainsi que la force d’attraction qui émanait d’elle alors et qui avait séduit instantanément toute la salle.

 

-       Tu chantes très bien, tu sais.

 

Lian haussa les épaules, elle ne semblait pas aimer qu’on la flatte, même à juste titre. Elle revint sur mes livres.

 

-       Tu vas les relire ?

-       Heu… non, je ne crois pas…

-       Alors pourquoi tu les gardes ?

-       Heu…

 

M’étais-je jamais posé ce genre de question…mais, Lian ne me laissa pas le temps de trouver une réponse adéquate et sensiblement intelligente.

 

-       J’ai gravement la dalle, là quand même.

-       Tu veux qu’on sorte.

-       Non !

 

Le cri était sorti sans que je m’y attende, presque violemment. Je ne fis aucune remarque.

 

-       Je peux commander quelque chose si tu veux…

-       Non… (le ton s’était radouci considérablement) j’ai envie de voir personne…

-       Oui, enfin, un livreur, ça ne devrait pas trop déranger…

-       Non…

 

Je n’insistais pas et partis vers la cuisine où j’ouvris deux, trois placards…

 

-       Des pâtes au riz, ça t’irait ?

-       Super ! J’adore !

 

J’arrivais néanmoins à agrémenter le tout d’un oignon émincé, d’un paquet de crevettes surgelées que je fis revenir dans un peu d’huile d’olive et de quelques épices. En un tour de main, une bonne odeur appétissante se répandit dans la pièce.

 

-       T’as du vin ?!

 

Ha, ça, je n’ai jamais de problème de ce côté là. Si je peux rester des semaines avec juste un vieux yaourt au fond du frigo, j’ai toujours à portée quelques bonnes bouteilles. On a ses priorités !

 

-       Regarde dans ma cave…

-       J’vais pas descendre !…

-       Mais non, là, regarde….

 

Je lui désignais alors une imposante armoire à vin au fond de la cuisine qu’elle ouvrit. A l’intérieur, une petite centaine de bouteilles vieillissaient paisiblement, quand mon stock n’était pas anéanti par les fêtes que j’organisais chez moi. Il faut dire que mes amis hommes se vengeaient alors de mes petits vols vestimentaires, se rattrapant sur mes flacons.

 

-       C’est laquelle la meilleure que t’as ?

-       La meilleure ?…

 

Je vins vers l’armoire et fit un rapide tour de ma réserve.

 

-       Je crois que c’est celle là. Un Château Haut-Brion, 1985.

-       C’est cher ?

-       Oui… mais c’est un tel plaisir à déguster…tiens, donnes la moi.

-       Tu vas l’ouvrir ?

-       Et pourquoi pas ?

-       T’es folle, ça se garde pour un évènement, ça, un truc particulier.

-       Justement, je crois que c’est un bon jour pour l’ouvrir.

 

Lian se tut et me regarda ouvrir la bouteille avec cérémonie, humer le bouchon et verser délicatement le nectar dans deux verres hauts et larges. Lian prit celui que je lui tendis et le respira profondément.

 

-       Je saurais pas dire, mais ça sent drôlement bon…

-       Et bien alors, c’est exactement ce qu’il fallait dire.

 

Lian me regarda et s’approcha de moi. Elle avait une intensité sensuelle telle que le moindre de ses gestes me mettaient en émoi, pour ne pas dire en feu. Elle me prit par la taille et m’embrassa, le goût du vin venant se fondre dans ma bouche, délicieusement.

 

-       Merci… pour tout ça…

 

Elle m’embrassa à nouveau, longuement.

 

-       Lian, dis-je dans un souffle, si tu continues, on ne va jamais dîner, tu sais…

-       C’est pas grave…(elle m’embrassa à nouveau)…enfin, c’est juste que… ça serait quand même dommage de perdre tout ça, non ?

-       Oui, et si je ne mange pas, personnellement, je crois que je vais collapser bientôt.

 

Lian se mit à rire avec sa voix qui pouvait dévaler dans les graves subitement.

 

-       T’aimes bien parler avec des mots qu’on comprend pas, toi !

 

Puis soudain son regard se voila, imperceptiblement, et je sentis une ombre passer dans son regard. Elle me regardait maintenant sans plus parler, presque avec gravité.

 

-       Excuse moi,je… je reviens…

 

Lian quitta la cuisine précipitamment. Je ne savais pas si je devais la suivre ou non. Que se passait-il ? L’inflexion de sa voix était devenue presque dure. Peut-être n’aimait-elle pas se laisser envahir par l’émotion… Nous étions si fatiguées…Je décidais de dresser la table en attendant son retour. Je mélangeais les crevettes aux pâtes et riz et rectifiais l’assaisonnement.

 

C’est au moment où je posais le plat au milieu de la table que j’entendis la porte d’entrée claquer. Le temps de m’y précipiter moi-même, je ne pus qu’entendre les derniers pas de Lian dévalant l’escalier et la lourde porte de l’immeuble se refermer derrière elle.

 

 

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
À propos
M. T.

Auteure (romans, nouvelles, chansons), scénariste, amoureuse des mots et des arbres...
Voir le profil de M. T. sur le portail Overblog

Commenter cet article
L
<br /> Humide.........<br /> <br /> <br />
Répondre
M
<br /> Torride.........<br /> <br /> <br />
D
<br /> super cette article<br /> bonne continuation<br /> <br /> <br />
Répondre
M
<br /> Ravie que ce texte vous ait plu.<br /> <br /> <br />
O
<br /> Très belle scène d'intimité, bien décrite, avec plein de petits détails bien vus qui apportent de l'éclairage, du relief, de la sensualité, sans surcharges inutiles. J'aime.<br /> Ophélie<br /> <br /> <br />
Répondre
M
<br /> J'essaie de ne pas trop abuser de la fonction phatique... Tu vois, j'ai retenu le conseil... Merci de ces commentaires, Ophélie, qui ont toujours leur importance, à mes yeux.<br /> <br /> <br />
S
<br /> je suis fan! j'attends la suite avec impatience!<br /> <br /> <br />
Répondre
M
<br /> Merci d'apparaître... la suite se prépare...<br /> <br /> <br />
C
<br /> Encore un bien beau recit où j'attend la suite avec impatience. J'aime decidemment beaucoup ce que vous ecrivez...<br /> <br /> <br />
Répondre
M
<br /> Merci beaucoup à vous Céline. Vos commentaires me sont précieux.<br /> <br /> <br />