Nouvelles érotiques au féminin, poésies saphiques, littérature lesbienne
5 Octobre 2009
Je quittais le bar et me dirigeais aussitôt vers la sortie comme si soudain ma vie en dépendait. Sur la petite estrade où un travesti se produisait, quelques minutes plus tôt, un présentateur qui se prenait sans doute pour le digne héritier du meneur de revue de « Cabaret » hurlait à son micro « …la qualité incroyable, internationale, sulfureuse…de celle, qui, revenant d’une tournée mondiale, nous honore de sa présence.. »
Je ne voulais rien entendre de plus mais ne réussissais pas à franchir l’entrée encombrée subitement par une bonne douzaine de touristes japonais rabattus par le chasseur qui faisait de grands moulinets à la serveuse pour qu’elle place le groupe au plus vite. Les japonais s’emmêlaient les uns dans les autres, les curieux du fond poussant ceux de devant pour apercevoir la salle, ceux de devant trop timides pour avancer plus. Je me heurtais à un mur nippon gloussant, et croyez-moi, celui-là n’était pas en papier de riz.
Elle commença à chanter…
…Whatever Lola wants…. Lola gets…
La voix était extraordinairement grave, presque sourde. Je me retournais vers la minuscule scène. Lian était assise au beau milieu, les jambes gainées de bas jarretière, noir, à motif dentelle, les pieds chaussés d’escarpins rouge. Elle tendait et redescendait sa jambe droite lentement faisant, lorsqu’elle avait atteint son point d’extension, un léger petit cercle avec la pointe du pied. Elle se leva, ses jambes n’en finissaient pas. Elle portait une veste cintrée recouverte de paillettes qui accrochait jusqu’à l’éblouissement la lumière lorsque le projecteur fondait sur elle. Elle ne portait rien en dessous. J’en étais sûre.
Les japonais s’étaient miraculeusement mis en mouvement, tous unis pour aller s’asseoir en silence, subjugués, la bouche ouverte pour les trois quarts d’entre eux. Ils m’avaient obligée à reculer. Lian continuait, imperturbable aux divers mouvements de la salle.
…Whatever Lola wants…
…Lola gets…
…Recline yourself …
…Resign yourself…
…You're through…
Je ne sais tout simplement pas comment je m’étais retrouvée à nouveau contre le bar, un nouveau verre à la main, ne pouvant moi-même détourner mon attention de cette apparition, grisée par cette chanson envoûtante. Lian tenait son public dans sa main, dans son regard, entre ses jambes qu’elle ouvrait en ciseau si rapidement qu’on eût dit les ailes d’un oiseau s’élançant vers sa proie. Elle souriait, paisible, elle savait son effet.
Elle se leva subitement, agile, gracile, et descendit les trois marches qui la menaient vers la salle. Elle passa entre les tables, souriante, aguicheuse, empourprant chacun des hommes qu’elle effleurait de son regard. Elle se penchait alors, dévoilant aux uns son décolleté, offrant aux autres le modelé de ses fesses. Elle semblait caresser chacun mais ne touchait personne. Inutile. L’effet était immédiat et les yeux écarquillés de tous ses hommes, le témoin de ce qu’il se passait entre leurs jambes, de ce garde à vous unanime, de ces érections qui jaillissaient les unes après les autres. Subitement, j’eus la vision de ces hommes transformés en autant de bouteilles de champagne dont le bouchon exploserait au passage de la jeune femme. Lian irradiait. J’avais la sensation qu’elle aimait ce qu’elle provoquait et je dois avouer qu’il n’y avait rien de sordide ou de glauque à son numéro. Juste l’éclatante beauté d’une femme, sûre de sa séduction, et qui l’offrait, non pas en pâture, mais à la mesure de l’intérêt qu’elle provoquait.
Lian piqua vers moi, offrant son dos et le déhanchement de son bassin au public qui, hypnotique, suivait chacun de ses gestes sans broncher, sans oser bouger, avec juste une pointe d’affolement parfois, dans le regard.
I always get what I aim for
And your heart and you soul is what I came for
J’étais pétrifiée et je savais qu’il serait inutile de prendre mon verre pour me donner une contenance car ma main tremblait. Elle se planta devant moi et me fit un petit clin d’œil amusé habituée qu’elle était à l’effet qu’elle provoquait sur son public de touristes en goguette. Aussi vite son visage redevint grave et d’un geste rapide Lian écarta mes jambes pour se glisser contre moi.
…And Lola wants you…
Joignant le geste à la parole, elle plaqua sa main entre mes cuisses.
You can’t win, give in…
Elle repartit aussitôt, souriante, vers le groupe de japonais qui maintenant se déchaînait dans un tonnerre d’applaudissements. Moi je ne bougeais toujours pas, je ne regardais personne. Mon bas-ventre venait d’imploser sous la furtive mais pressante injonction. Mes seins pointaient outrageusement sous le fin tissu de mon chemisier. Je venais de connaître la plus rapide mais non moins violente des jouissances. Lian disparut sans saluer agitant juste, de dos, sans se retourner, sa main en signe d’au revoir ou comme pour indiquer qu’on la suive.
Je reprenais péniblement mon souffle. Laurie, la barmaid, me tendit un autre verre de vodka que je bus sans sourciller d’un trait. Puis elle se pencha vers moi.
- Tu prends au fond, la porte à droite des toilettes. Dépêches avant le prochain numéro. Le code c’est 22A4. tu refermes derrière toi.
Je ne me faisais pas prier. Je savais ce qu’elle voulait dire et pendant que les japonais fraternisaient avec le groupe de touristes allemands, je me précipitais vers la porte, munie du précieux sésame que je n’aurai oublié pour rien au monde. Je claquais la porte derrière moi, fébrile.
Lian m’attendait, radieuse, encore vibrante du succès de sa prestation. Nous n’échangeâmes aucun mot. Entre deux cintres du décor, je la plaquais contre moi, l’embrassant comme rarement j’avais embrassé, fiévreuse, impatiente, presque hors de tout contrôle. Cette fois ce fut moi qui glissa ma main entre ses cuisses. Je passais instantanément outre le si fin petit bout de tissu qui lâcha sous la pression et la découvrant si offerte, mouillée, ouverte, la pénétrais sans attendre, sans demander, sans préambule. Son soupir fut tel que je compris que sa jouissance fulgurante était à la mesure de celle qu’elle avait provoquée chez moi quelques minutes plus tôt. Nous nous regardâmes, enfin, étonnées, à bout de souffle, le cœur explosé, nos corps irradiés.
Elle me fit le plus beau, le plus délicat des sourires et me murmura au creux de mon oreille.
- J’ai une de ces putains de faim !
Whatever lola wants, Lola gets. Je lui proposais de l’emmener dîner.
Auteure (romans, nouvelles, chansons), scénariste, amoureuse des mots et des arbres...
Voir le profil de M. T. sur le portail Overblog